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في سبيل العروبة الحضارية - Sur le chemin de l'arabité civilisationnelle
8 janvier 2020

Jusqu’où ira le bras de fer entre Washington et Téhéran ? par Mohamed Tahar Bensaada

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Comme c’était prévisible, l’exécution par les Américains du second homme fort en Iran, le général Qacem Soleimani, risque de plonger la région du Moyen-Orient dans une crise sans précédent et certains observateurs n’hésitent pas à redouter une guerre dévastatrice qui pourrait mettre en péril la paix dans le monde. Les récentes attaques balistiques des « Gardiens de la révolution » contre deux bases américaines situées en Irak viennent de rappeler que les craintes des observateurs ne sont pas une vue de l’esprit. Pour autant, les signes réels d’une escalade militaire préjudiciable à la paix mondiale peuvent-ils autoriser une analyse aussi pessimiste ou pourraient-ils à l’inverse militer en faveur d’une reconfiguration géostratégique régionale qui serait paradoxalement plus favorable à la paix et à la sécurité ?

Une chose est sûre. Le Moyen-Orient ne sera plus le même après la disparition du général Soleimani. La décision du président Trump de frapper la tête des « Gardiens de la révolution » n’a pas surpris seulement les Américains et leurs alliés de par le monde. Elle a surtout surpris les dirigeants iraniens eux-mêmes qui ne s’attendaient pas à un acte de cette ampleur de la part de l’Administration américaine. Depuis au moins une dizaine d’années, le général Soleimani était sur la liste noire américaine mais ni le président Bush ni le président Obama n’ont eu le cran de donner l’ordre du passage à l’acte. La raison officielle invoquée est connue et c’est celle-là même que les adversaires de Trump ont agité au lendemain de l’exécution du général iranien : Toute attaque militaire d’envergure contre l’Iran risquerait de produire des représailles iraniennes préjudiciables aux intérêts stratégiques américains et à leur présence dans la région. Qu’en est- il dans la réalité ?

Les attaques balistiques des « Gardiens de la révolution » contre deux bases américaines constituent-elles un début de preuve tendant à confirmer les craintes exprimées par les « colombes » américaines et européennes ? ou ne sont-elles finalement qu’un baroud d’honneur tendant à sauver la face des dirigeants iraniens qui sont sommés de réagir sous peine de perdre leur crédit auprès de leurs partisans à l’intérieur du pays et parmi leurs partisans dans la région ? 

Dans le brouhaha diplomatique et médiatique qui a suivi l’exécution du général iranien, des voix très rares ont su garder la tête froide et ont prévu que malgré l’ampleur symbolique de l’acte de guerre ordonné par Trump, l’Iran ne fera rien qui puisse réellement mettre en danger la paix dans la région. Parmi ces voix, nous retiendrons celle de l’ancien ambassadeur de France en Israël et aux Etats-Unis, Gérard Araud, qui a su dans une chronique publiée par Le Point prendre ses distances par rapport aux lectures alarmistes dans lesquelles sont tombées un grand nombre d’analyses. Même s’il est tombé à son tour dans un certain pessimisme en prédisant une sortie définitive de l’Iran de l’Accord sur le nucléaire et un arrêt provisoire des pourparlers entre les deux pays, il a néanmoins soutenu que l’Iran ne s’avisera pas à mener des représailles qui pourraient mener à une guerre ouverte avec les Etats-Unis pour la raison simple que les dirigeants iraniens ne sont pas suicidaires au point de donner à l’Amérique le prétexte d’en finir avec le régime des ayatollahs. 

Ce ne sont pas les dernières attaques balistiques des « Gardiens de la révolution » qui pourraient infirmer l’analyse de l’ancien ambassadeur français. D’abord, si on les compare au casus belli en question, ces attaques revêtent une dimension plus symbolique que militaire, destinée plus à alimenter la propagande du régime iranien qu’à envoyer un message d’ordre militaire aux Américains. En effet, si la propagande iranienne n’hésite pas à parler de 80 américains tués dans les attaques balistiques, aucune autre source n’a fait état de victimes suite à ces attaques. La déclaration du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui  a affirmé que son pays a « terminé » ce qu’il a appelé des « représailles proportionnées » avant d’ajouter que «  Nous ne cherchons pas l’escalade ou la guerre », tend à confirmer que l’Iran a été obligé de lancer ces attaques pour sauver la face mais qu’il n’est pas du tout disposé à aller plus loin dans son bras de fer avec les Etats-Unis. 

Mais si le bras de fer entre Washington et Téhéran devait en rester là, c’est essentiellement en raison d’autres facteurs stratégiques autrement plus décisifs. La république des ayatollahs en elle-même n’a jamais dérangé la stratégie impériale américaine dans la région. L’Amérique n’aurait jamais pu détruire aussi aisément l’Irak sans la complicité active de l’Iran depuis la guerre du Golfe de 1991 jusqu’à la guerre d’invasion de l’Irak de 2003. L’Amérique n’aurait jamais pu faire chanter aussi facilement, à coup de centaines de milliards de dollars, ses alliés arabes du Golfe s’il n’y avait pas en face la menace iranienne. L’Administration Trump a fait payer à l’aile dure du régime iranien, représentée par le chef des Gardiens de la révolution, le général Qacem Soleimani, les dépassements commis par ce dernier dans le cadre d’une division régionale du travail qui avait pour l’essentiel l’aval des Américains. Ces dépassements avaient été, faut-il le rappeler, pointés du doigt y compris par les services secrets iraniens qui critiquaient ouvertement les exactions commises sur ordre du général Soleimani en Irak contre les populations sunnites. 

La stratégie américaine qui vient d’être réaffirmée par l’Administration Trump ne manque pas de cynisme. L’Iran peut attaquer des cargos pétroliers et mettre en danger la navigation commerciale internationale dans les eaux du Golfe, il peut attaquer directement ou indirectement des sites pétroliers situées en Arabie saoudite, mais il ne peut pas s’en prendre directement aux intérêts américains et à plus forte raison aux ressortissants américains civils ou militaires. Sans nul doute, l’avertissement américain sera entendu par les dirigeants iraniens qui seront appelés à réviser leur copie dans les semaines et mois à venir. 

Si les menaces proférées par les dirigeants iraniens à l’égard d’Israël font partie de l’arsenal de propagande de ce régime depuis son instauration, l’Iran n’a jamais tiré une seule balle contre ce pays depuis 40 ans, en revanche, les déclarations belliqueuses à l’adresse des voisins arabes du Golfe montrent, hélas, que sur ce plan, rien n’autorise l’espoir d’un changement de cap. L’Iran continuera à menacer ses voisins et ces derniers continueront à sortir leurs chéquiers pour s’assurer le parapluie américain en faire tourner les usines d’armements américaines et européennes. 

Pourtant, en mettant fin au mythe de l’invulnérabilité de l’Iran, l’Administration Trump pourrait à son corps défendant favoriser un nouveau cours politique dans la région qui devrait commencer par une baisse de la tension entre les pays de la région. Au lendemain de l’exécution du général iranien, même les pays du Golfe les moins disposés à l’égard de Téhéran, comme l’Arabie saoudite, ont appelé à éviter toute escalade militaire préjudiciable à la paix. La perception commune des dangers qui menacent réellement la sécurité et la stabilité dans la région pourrait-elle pousser les dirigeants des Etats du Golfe à de meilleurs sentiments réciproques ? 

Puissance régionale incontournable, l’Iran dont les dirigeants ont montré plus d’une fois une grande intelligence dans la gestion de dossiers sécuritaires très sensibles, saura-t-il transcender ses vieilles rancœurs, tout à fait compréhensibles à l’égard de voisins qui n’ont pas hésité par le passé à comploter contre ses intérêts vitaux, pour se hisser au niveau des défis de la nouvelle conjoncture géostratégique ? Une conjoncture qui devrait inspirer aux dirigeants de la région d’investir leur formidable potentiel dans un nouveau « soft power » susceptible à la fois d’éloigner les dangers extérieurs et de combler le fossé existant entre des régimes sclérosés et des sociétés formées en majorité de jeunes épris de liberté, de paix et de progrès social.

 

(source : https://oumma.com/jusquou-ira-le-bras-de-fer-entre-washington-et-teheran/)

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