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في سبيل العروبة الحضارية - Sur le chemin de l'arabité civilisationnelle
3 octobre 2021

Différentes manières d’entraver la diffusion de la pensée nationaliste arabe, par Nâjî Alloush

ناجي علوش

La question du nationalisme arabe est la problématique prioritaire des Arabes. Elle a donc besoin de recherches, d’études et de discussions. Malgré cette centralité, la production relative au nationalisme arabe reste particulièrement faible (1). Nonobstant leur importance, les travaux ayant été publiés sur ce sujet n’ont pas été largement diffusés.

Sati‘ al-Housri (2)  était l’écrivain nationaliste arabe le plus prolifique et le plus sérieux. Ses compositions furent publiées par de nombreuses maisons d’édition. Ses derniers ouvrages furent publiés par la maison d’édition du Centre d’études pour l’unité arabe (3). Malheureusement, la réédition des œuvres complètes de Sati‘ al-Housri n’intéresse pas grand monde.

Les grandes questions du nationalisme arabe ne sont plus posées. Mais pour quelles raisons ne le sont-elles plus ? Ce silence est dû aux facteurs suivants :

Premièrement : La question nationaliste est entourée de doutes et de soupçons en raison des crises et des tourments touchant notre oumma.

Deuxièmement : Nous attendons de ceux qui s’engageront dans cette discussion ou de ceux qui reposeront les grandes questions du nationalisme arabe : 1) qu’ils se plongent pleinement dans l’étude de ces questions ;
2) qu’ils découvrent les divers aspects résultants de ces problématiques ;
3) qu’ils aient de multiples compétences scientifiques ;
4) qu’ils répondent à de nombreuses questions auxquelles Sati‘al-Housri n’a pas pu répondre.

Si nous voulions énumérer les auteurs nationalistes arabes ayant publié depuis les exécutions de 1916, nous remarquerions qu’ils sont relativement peu nombreux.

La décision de l’État ottoman d’exécuter les héros et les intellectuels arabes porta un coup fatal à l’élite nationaliste. Les événements ayant suivi les années de potence n’ont pas permis l’émergence rapide d’une nouvelle élite nationaliste. Parmi les hommes les plus éminents de cette élite, nous pouvons citer le grand professeur et l’auteur prolifique Muhammad ‘Izzat Darwaza (4).

Muhammad ‘Izzat Darwaza (ci-dessus) était un nationaliste arabe de grande qualité. Il écrivait abondamment et il était particulièrement méticuleux dans son travail. D’esprit ouvert, il avait une vision globale. Son livre L’unité arabe demeurera encore longtemps une référence fondamentale pour les générations futures. Dans cet ouvrage, Muhammad ‘Izzat Darwaza a étudié la question de l’unité arabe et les moyens de la réaliser. Il a également apporté sa contribution à l’étude de l’histoire arabe. Malgré l’ampleur de sa science et l’abondance de ses productions, Muhammad ‘Izzat Darwaza demeure sous-étudié, même par les partis et les forces politiques nationalistes. Ses articles et ses livres ne provoquent aucune discussion approfondie permettant de développer les études qu’il a inaugurées.

La publication de mon livre sur Muhammad ‘Izzat Darwaza et ma publication de l’œuvre intégrale de Sati‘ al-Housri n’ont pas provoqué de débat particulier. Cette absence de débat m’a convaincu qu’il y avait une volonté d’occulter la question de l’unité arabe. Mes doutes furent confirmés suite à la publication des écrits politiques de Michel Aflak (5) qui ne suscitèrent aucune discussion et aucun accueil bienveillant.

Nous essayons ici de poser la question de cette absence de discussion et de provoquer des questionnements à son sujet. Par la suite, je fournirai davantage de détails afin de donner à cette question les droits qui sont les siens.

Je me souviens d’un jour où j’étais à Bagdad alors que feu le professeur et poète Chafiq al-Kamâlî était secrétaire général de l’Union des écrivains arabes. Nous décidâmes ensemble de rechercher le moyen de financer la publication ou la republication d’ouvrages du professeur Muhammad ‘Izzat Darwaza. Il me promit d’adresser une demande au Président irakien, Ahmed Hassan al-Bakr (6).

Chafiq al-Kamâlî lui adressa sa requête. Nous nous retrouvâmes le lendemain. Il m’annonça tout heureux : « J’ai proposé l’idée à Ahmed Hassan al-Bakr qui m’a répondu : "Muhammad ‘Izzat Darwaza est mon professeur" ». Chafiq al-Kamâlî m’expliqua qu’il avait trouvé le financement nécessaire pour mener à bien notre projet. J’étais heureux. Pour la première fois, je réussissais une telle entreprise et je bâtissais un projet au service de la culture arabe par le biais de la publication de livres et d’auteurs ayant joué un rôle majeur pour l’arabité et le nationalisme arabe.

À ce moment là, j’ignorais encore la tournure qu’allaient prendre les évènements. Lorsque Chafiq al-Kamâlî revint de son voyage, il était particulièrement tendu, comme si je l’avais mis dans une posture difficile. Il me raconta à quel point le projet avait été accueilli négativement à Damas où il avait rencontré des personnalités palestiniennes. Il leur avait exposé notre projet, notamment celui de republier certains livres de Muhammad ‘Izzat Darwaza. Leur réaction fut négative. Ils affirmèrent que Muhammad ‘Izzat Darwaza n’était qu’un assassin et qu’il n’avait aucune valeur intellectuelle. Chafiq al-Kamâlî ignorait que le conflit inter-palestinien autour d’un compromis avec les forces occupantes s’était répercuté sur la vision de l’histoire de certains dirigeants palestiniens. En raison de cela, Muhammad ‘Izzat Darwaza n’était pas apprécié de ces derniers.

Muhammad ‘Izzat Darwaza était l’un des fondateurs du courant des partisans de la lutte armée contre les Britanniques et les Français. Il avait refusé de faire partie du courant « conciliateur » des dirigeants politiques actuels.

Il était un chêne massif que les vents n’ébranlaient pas. Je m’étais trompé car je n’avais pas pris en considération tous ces éléments. Pourtant, je connaissais parfaitement les orientations des dirigeants palestiniens.

Je retournai auprès du Conseil national pour la culture arabe afin de présenter notre projet. Cette fois encore, je parvins à convaincre mon auditoire. On décida d’organiser une fête en l’honneur de Muhammad ‘Izzat Darwaza et d’accorder une allocation de cinq mille dollars pour imprimer certains de ses écrits.

Je fus chargé d’écrire une étude sur Muhammad ‘Izzat Darwaza, ce que je fis. Lorsque le jour de la fête arriva, je m’y rendis mais celle-ci fut annulée. Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorons les raisons de cette annulation.

Voilà comment les questions nationalistes sont combattues de manière indirecte. Nos projets sont tués dans l’œuf et nos efforts mis à mal. Il existe plus d’une manœuvre contre la pensée nationaliste arabe :
- les manœuvres et les positions officielles hostiles ;
- les manœuvres internationales américano-sionistes ;
- les petites et dangereuses manœuvres internes au mouvement national arabe dont nous avons évoqué certaines méthodes.

Notre oumma demeure plus forte, plus ferme et plus grande que toutes ces manœuvres hostiles. Malgré cela, la publication de travaux nationalistes reste soumise à des difficultés et à de nombreux obstacles.

Je fus plus optimiste lorsque le Conseil national pour la culture arabe s’engagea à publier tous les travaux nationalistes d’Ilyas Marqas. Toutefois, suite à ce choix, le Conseil national pour la culture arabe fut assiégé. Il finit par revenir sur sa décision initiale. Malgré cela, je demeurais optimiste sur le fait que le Conseil reviendrait rapidement sur sa décision de non publication.

En attendant que le Conseil national pour la culture arabe revienne sur sa décision de non publication, nous devrions rechercher des hypothèses au problème des entraves posées à la diffusion de la pensée nationaliste arabe. Nous sommes convaincu que la bataille nationaliste est celle de notre oumma et que nous devons nous engager sans attendre et sans rémission, avec tout ce que cela implique de sacrifices et de forces, sans hésitation et sans trêve.


Notes de lecture :

(1) Note de la traductrice : Si le nationalisme arabe reste sous-étudié au sein de la nation arabe, il est évident qu’en France cette question n’a pratiquement pas retenu l’attention des analystes, malgré le fait que la France compte la plus importante communauté arabe d’Europe sur son territoire. La majorité des études portant sur ce sujet reste marquée du sceau de l’orientalisme.
(2) NDT : Sati‘ al-Housri (1880-1967) était un écrivain et un intellectuel arabe syrien qui joua un rôle fondamental dans le développement du nationalisme arabe. Ses idées ont énormément influencé les nationalistes arabes.
(3) NDT : Centre d’études pour l’unité arabe, URL : http://www.caus.org.lb/Home/index.php
(4) NDT : Muhammad ‘Izzat Darwaza (1887-1984) était un intellectuel arabe palestinien qui avait développé des idées nationalistes arabes. Son nationalisme arabe était particulièrement marqué par l’islam et la culture musulmane.
(5) NDT : Michel Aflak (1910-1989) était un écrivain et homme politique arabe syrien. Fondateur du parti Baath, il posa les bases de l’idéologie nationaliste et socialiste arabe.
(6) NDT : Ahmed Hassan al-Bakr (1914-1982) fut président de la République d’Irak de 1968 à 1979. Militaire et membre du parti Baath, il devint président de la République en juillet 1968. En 1972, il nationalisa l'IPC (Iraq Petroleum Company). Il démissionna en 1979 et fut remplacé à la tête de l'Irak par Saddam Hussein.

Source : Free Arab Voice

Traduction : Souad Khaldi (http://www.ism-france.org/)

 

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Ce site, animé par le Collectif Algérie-Machreq, est consacré à la mémoire historique de la Nation arabo-musulmane, à l'intellectualité, la spiritualité, la culture, l'expérience révolutionnaire des peuples arabes. La Palestine sera à l'honneur. 


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