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في سبيل العروبة الحضارية - Sur le chemin de l'arabité civilisationnelle
3 novembre 2021

Question d'histoire, par Kamel Nasser

‘Abd el-Madjid Chikhi

‘Abd el-Madjid Chikhi est Conseiller auprès du président de la République. Directeur général du Centre national des archives algériennes, il est chargé, à la présidence, des archives et de la Mémoire nationale. Il vient de déclarer à ce mercredi 03 novembre 2021 que l'"heure est à la création d'une École algérienne spécialisée dans l'écriture de l'Histoire de l'Algérie" afin de transmettre une information historique exacte aux générations montantes".

Certes, ce projet est louable, et nécessaire. Mais, car il y a un "mais", ce projet est largement insuffisant, ou, plus justement, il oublie l'essentiel. Le véritable travail de l'historien n'est pas d'établir et de compiler les "faits historiques". Son rôle n'est pas de lister ce qui est advenu dans le passé. Cela est du ressort de l'historiographie (l'écriture de l'histoire). L'essence de la démarche de l'historien est de problématiser les faits historiques, de les interpréter, de mettre en évidence la multitude des contextes dans lesquels ces faits s'inscrivent. Plusieurs historiens peuvent se mettre d'accord sur l'établissement des faits de la chronologie de la révolution algérienne, en 1954 et 1962. Mais l'important n'est pas là. La raison est simple : de même qu'il n'y a pas de science sans une philosophie de la science, de droit sans une philosophie du droit, il ne peut exister d'histoire sans une philosophie de l'histoire.

Prenons un exemple : les historiens peuvent s'entendre sur les circonstances du déclenchement de la révolution, le 1er Novembre, ses acteurs, ses actions, etc. Mais cela ne dit rien sur l’essentiel. Ainsi, ces mêmes faits peuvent être compris de diverses manières :

- la révolution algérienne est l’expression en Algérie du mouvement planétaire des peuples pour la liberté, l’émancipation sociale et la démocratie, à la suite des révolutions étasunienne, française et russe. C’est d’abord une révolution universelle et humaniste.

- la révolution algérienne est l’expression en Algérie du mouvement arabe de libération nationale, sociale, culturelle et spirituelle, mouvement qui visite à la restauration des fondamentaux que sont l’arabité et l’islam.

Selon la philosophie de l’histoire qui est la nôtre, les faits historiques recevront des significations différentes.

Par ailleurs, il y a un enjeu majeur à ne pas oublier : l’écriture de l’histoire et son interprétation ne relèvent pas uniquement du travail de l’historien professionnel. Il s’agit aussi d’une question sociétale, car cela touche l’identité du pays, et le socle du Vivre-ensemble, et le projet sociétal qui est le nôtre. Il va de soi que le destin que nous souhaitons pour la patrie va largement influencer notre façon de comprendre sa mémoire. Selon que nous inscrivons le destin de l’Algérie dans la sphère euro-méditerranéenne ou dans la sphère arabo-musulmane, et nous avons là deux grandes lignes interprétatives de l’histoire.

Quelques soit la ligne interprétative choisie, en fonction de sa philosophie, la démarche de l’historien doit être moralement irréprochable : il ne doit pas inventer des « faits » pour justifier sa cause, ou encore sur- ou sous-estimer tel ou tel événement. Il doit être rigoureux et scientifique.

En ce qui nous concerne, notre philosophie de l’histoire est que la révolution algérienne s’inscrit, d’abord, dans le mouvement historique des peuples de la Nation arabe, de l’Afrique et du Tiers-monde vers la souveraineté (dans ses diverses dimensions : politique, économique, culturelle et spirituelle). Cette révolution est à la fois algérienne, arabo-musulmane, anti-impérialiste. Dans le contexte que traverse l’Algérie, avec ces polémiques incessantes contre le caractère arabo-musulman de la révolution (par exemple les attaques contre le cheikh ‘Abd el-Hamid et les ‘Oulémas qui le suivaient), c’est cette dimension qu’il convient de valoriser, dans une ligne qui va de la Proclamation par le FLN du 1er novembre jusqu’à la conférence du CNRA au Caire au mois d’août 1957, et jusqu’au congrès du CNRA du 27 mai au 7 juin 1962, à Tripoli. Le défi est là : riposter à la lecture pseudo-universaliste, berbériste (à la fois kabyliste et algérianiste), conciliatrice (avec les historiens français) de la révolution, qui se répand de nos jours. En tout cas, ‘Abd el-Madjid Chikhi avait, il y a un an, et avec raison, déclaré que l'écriture commune algéro-française de l'histoire  n'était "ni souhaitable ni possible" !

 

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Ce site, animé par le Collectif Algérie-Machreq, est consacré à la mémoire historique de la Nation arabo-musulmane, à l'intellectualité, la spiritualité, la culture, l'expérience révolutionnaire des peuples arabes. La Palestine sera à l'honneur. 


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