Le sport mondialisé comme occidentalisation, le jeu traditionnel comme renaissance culturelle, par Kamel Nasser

Comme divertissement, le sport est un phénomène moderne, étroitement lié à la culture capitaliste occidentale. Sa mondialisation correspond à une occidentalisation du monde. Dans les sociétés traditionnelles, ce qui relève aujourd’hui du sport était partie prenante de la formation guerrière, de l'initiation spirituelle, de l’activité physique thérapeutique ou encore de la formation éducative de l’enfant.

À bien des égards, le sport est un outil d’aliénation, et comme souvent dans les situations pathologiques, l’aliénation est masquée, et dans notre cas, ce masque est celui d'une rhétorique patriotique. Même les jeux Olympiques ne sont pas autre chose qu’un véritable « théâtre géopolitique », pour prendre la formule de plusieurs spécialistes.

Bien évidemment, le sport mondialisé, avec son éthique capitaliste, est une machine de guerre contre l’âme des peuples, et, sur ce terrain, contre ce que l’Unesco nomme les « Jeux et Sports Traditionnels ». L’Unesco précisait : « Non soumis aux enjeux économiques des sports classiques mondialisés, ni à une quête équivalente de performance et de résultats conduisant à des pratiques dangereuses et illicites que la Convention Internationale contre le dopage dans le sport tend à réguler, les JST offrent aux gouvernements, au mouvement sportif et aux citoyens, l’opportunité de promouvoir des pratiques sportives et culturelles durables et éthiques. »

Dans le contexte algérien et arabe, il est triste de constater la non-connaissance et le mépris des médias (et de l'opinion publique ?) à l’égard des jeux et sports traditionnels qui sont enracinés dans la culture physique arabo-musulmane.

Un professeur français (Pierre Parlebas), spécialiste de la sociologie du sport, avait écrit, avec raison : « Les jeux traditionnels arabes ne peuvent être considérés comme une pâle réplique affaiblie des sports mondiaux ; ils recèlent une logique interne originale, culturellement pénétrée des usages de leur terroir qui plongent les joueurs dans des rapports inédits avec l’environnement et au sein de réseaux de communication inhabituels. On ne joue pas dans le désert ou dans une oasis comme on joue sur un stade ou sur une patinoire. Les jeux traditionnels ne sont pas des sports de bas niveau : les objets, les espaces, les durées, les rapports sociaux, tout n’est pas inférieur mais différent, inventé ou transformé et souvent avec éclat. »

Qui connaît ainsi le Festival national des sports et jeux traditionnels (la dernière édition a eu lieu les 26 et 27 mars à Bechar), les Jeux Maghrébins des sports et jeux traditionnels (première édition de 2018), le Festival arabe des jeux et sports traditionnels (Wahran avait accueilli en mars 2016 la 4ème édition) ou le projet de création, à Ouargla, d’une Fédération régionale de courses de méharis, pour honorer l’art de la cavalerie saharienne ?

Nationaliser l’économie est un impératif pour la souveraineté économique. Mais la nationalisation (algérienne et arabe) de l’activité physique n’est-elle pas aussi une nécessité pour la souveraineté de l’âme ?