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في سبيل العروبة الحضارية - Sur le chemin de l'arabité civilisationnelle
29 août 2023

Dans les pas de Hassan Fathy, chevalier de l'architecture populaire égyptienne et arabe, par Kamel Nasser

Hassan Fathy

L’Égyptien Hassan Fathy est l'un des grands noms de l'architecture organique, de l'architecture sociale et populaire. Il est né le 23 mars 1900 dans la ville d'Alexandrie, et mort dans la capitale, Le Caire, le 30 novembre 1989. Il a donc traversé une bonne partie du 20ème siècle. Issu d'une riche famille de propriétaires terriens d’origine nubienne, Hassan Fathy a développé une puissante fibre artistique, une vraie sensibilité esthétique, avec un goût pour la peinture et le dessin. Outre sa langue maternelle, l'arabe, il avait la maîtrise de l'anglais et du français. En 1926, il est diplômé de l’École Polytechnique de l’Université du Caire et s'engage dans la voie architecturale. Très tôt, et tout en maintenant une vive conscience des débats qui secouaient la communauté internationale des architectes et des urbanistes, il fait le pari que la vraie modernité doit émaner de la culture du peuple. Il récuse ainsi le repli sur soi et la soumission aux codes architecturaux étrangers (en fait occidentaux). Les traditions locales méritent mieux que la condescendance des tenants d'une modernité de pacotille. Dans ses premières constructions, il articule la contrainte moderne des nouveaux besoins de la vie sociale et l'efficacité des techniques locales de construction. Il sera toute sa vie fidèle à cette démarche. Au passage, je voudrais souligner que la brique de terre crue était sa passion... C'est d'ailleurs en pensant à cette matière qu'il dessinera son premier bâtiment en 1930.

Hassan Fathy entame sa carrière d'architecte au sein du service des bâtiments scolaires, avec l'école de Talkha, qui est un exemple d'architecture nubienne. En 1946, il est nommé professeur des Beaux-Arts à l'université du Caire, avant de rejoindre le Ministère de l'Éducation nationale, dans le service de la construction. Il y restera de 1949 à 1952. Après la révolution nasserienne de 1952, il dirigera jusqu'en 1957, le Département d'Architecture de la Faculté des Beaux-Arts du Caire. Dans les années 1960, 1970 et 1980, il continue son oeuvre dans plusieurs entreprises et institutions, en Égypte, et dans divers pays arabes, en Grèce, etc., construisant par exemple dans une oasis près d'Al-Harraga, le village de Bâriz, ou encore le Centre rural éducatif et spirituel Dar al-Islam, à Abiqui, dans l’État du Nouveau-Mexique, aux États-Unis.

La communauté internationale reconnaîtra les mérites de son oeuvre. Ainsi, il est récipiendaire du premier Prix Nobel alternatif en 1980 et la même année du Prix Aga Khan d’Architecture. En 1984, il recevait la Médaille d’Or de l'Union Internationale des Architectes.

Quelle était, finalement, la clé de voûte de la conception architecturale de Hassan Fathy, et pourquoi devrions-nous considérer cette conception comme l'un des grands acquis de la pensée du Sud ?

D'abord, il défendait l'idée que ce sont les populations elles-mêmes, les communautés villageoises, qui doivent prendre en charge leur mode d'habitation. Il refusait la hiérarchisation, typiquement occidentale, selon laquelle les sciences exactes primeraient, dans leur essence, sur les savoir-faire. En réalité, ces savoir-faire architecturaux, possèdent des qualités bien supérieures aux abstractions des bureaux d'études. « Si quelqu'un doute de la possibilité de laisser le peuple construire ses maisons, disait Hassan Fathy, qu'il aille voir en Nubie. Il y verra la preuve matérielle que des paysans sans instruction [...] peuvent faire beaucoup mieux qu'aucune politique du logement ». C'est là le message qu'il a voulu transmettre avec son livre Gourna, a Tale of two villages, édité en Egypte et écrit en langue anglaise. Il sera traduit en langue française et paraîtra aux éditions Jérôme Martineau, en 1970 (avant sa reprise aux éditions Sindbad) sous le titre Construire avec le peuple.

Cet ouvrage, richement illustré, relate son expérience d'architecte à partir de 1945 quand il participe à la reconstruction du village de Gourna, non loin du site de Louxor. Le caractère organique de son architecture se révèle par le choix de la matière (la brique en terre crue) et le respect des formes vernaculaires de l'habitat. Il écrit : « La voûte, le dôme, les trompes et les pendentifs, les arches et les murs fournissent à l’architecte, déclare-t-il, un champ illimité d’enchevêtrements rationnels de lignes courbes allant dans toutes les directions, avec un harmonieux passage de l’une à l’autre » (Fathy, 1970, p. 39). Le problème est que l'Occident exerce une fascination qui n'affecte pas seulement les élites, mais aussi une grande partie du corps social. Les savoir-faire, les traditions vernaculaires tendent à se dissoudre. L'occidentalisation est aussi-là dans la façon d'habiter le monde et l'espace qui nous entoure. Pourtant, le traditionnel peut être aussi porteur de modernité. Hassan Fathy continue : « La tradition n’est pas forcément désuète et synonyme d’immobilisme. De plus, la tradition n’est pas obligatoirement ancienne, mais peut très bien s’être constituée récemment. Chaque fois qu’un ouvrier rencontre une nouvelle difficulté et trouve le moyen de la surmonter, il fait le premier pas vers l’établissement d’une tradition. » (Fathy, 1970, p. 73)

L'expérience de Gourna sera pourtant un échec (notamment en raison des tracasseries bureaucratiques). Mais, il aura contribué à former des dizaines de maçons acquis aux techniques locales. Son architecture est à la fois éthique, liée à une haute conscience du devoir social, et esthétique, liée à une haute conscience des formes traditionnelles. Il aimait à dire : « Droite est la voie du devoir, sinueux le chemin de la beauté ».

 

Hassan Fathy (1970). Construire avec le peuple. Paris : Éditions Jérôme Martineau.

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Ce site, animé par le Collectif Algérie-Machreq, est consacré à la mémoire historique de la Nation arabo-musulmane, à l'intellectualité, la spiritualité, la culture, l'expérience révolutionnaire des peuples arabes. La Palestine sera à l'honneur. 


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