La Nation doit enfanter des poètes pour renaître, par Kamel Nasser

Dans l’histoire sociale et culturelle de la Nation arabe, et cela même si nous remontons le fil du temps dans les siècles préislamiques, le poète avait une fonction fondamentale dans la communauté, qu'elle soit urbaine, semi-nomade ou nomade. Le poète était le porte-parole de la Tribu arabe, son étendard. C'était par le poète que la tribu faisait connaître ses hauts-faits, ses actes de bravoure, ses guerres, et les amours de ses hommes. Pour s’en convaincre, il suffit de lire Ayyam Al-’Arab (Les Jours des Arabes), qui raconte justement les épopées de quelques-unes de ces tribus.

Le poète traditionnel est donc loin, très loin, de la compréhension contemporaine occidentale dans laquelle il n’est qu’une personne écrivant des rimes et des vers, la plupart du temps à propos de ses états d’âme.

C’est à travers le poète que l’âme arabe révèle ses quêtes et ses espérances. Et on comprend mieux pourquoi de nombreux militants arabes révolutionnaires furent des poètes assassinés: Kamel Nasser, Ghassan Kanafani, Mohammed Boudia... Avant d’être idéologique ou politique, le projet national arabe est poétique.

Et pour l’Algérie ?

La réponse à cette question est assez simple : tant que nos mouvements sociaux, tant que nos luttes politiques, tant que nos engagements professionnels ne valorisent pas la perspective poétique, ce n’est que de l’agitation… Il ne s’agit pas, bien évidemment, de faire surgir des poètes liés à des tribus, mais de permettre aux poètes qui sont là, dans l’invisible de la réalité sociale, d’apparaître et de dire avec les mots de la Belle langue arabe les décisions de notre Âme nationale qui est une Âme civilisationnelle.