Savez-vous que les poètes sont assassinés en Palestine ?, par Kamel Nasser

Le sionisme est une force brutale qui assassine les humains et viole la terre.

Dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 décembre, Refaat Al-‘Areer (رفعت العرعي) a perdu la vie à la suite d'un diabolique bombardement israélien. Né le 23 septembre 1979, ce professeur de littérature anglaise à l'Université islamique de Gaza était également un poète et écrivain passionné, enseignant même les œuvres de Shakespeare. Il était le moteur du projet « We are not numbers », permettant à des écrivains palestiniens de recevoir un soutien pour rédiger des récits en anglais sur la souffrance palestinienne et les espoirs de leur peuple, dans le but de sensibiliser l'opinion publique internationale. Ses contributions étaient fréquemment publiées sur le site anglophone The Electronic Intifada. Refaat Al-‘Areer avait choisi de rester dans le Nord de la bande de Gaza malgré les dangers. Il avait partagé un poème prémonitoire et testamentaire intitulé « If I must die » (« Si je devais mourir ») sur X, concluant par ces mots : « Que cela apporte de l'espoir, que cela soit un conte ».

Il y a quelques jours, le mardi 5 décembre 2023, la Palestine arabe, la Nation arabe et l'humanité perdaient l'une de leurs belles voix. L'ennemi a mis fin à la vie du poète gazaoui Nour ed-Dine Hajjaj (نور الدين حجاج). Juste une semaine, le mardi 28 novembre, il avait partagé et récité ce poème :

« Bonsoir, le monde,

Hier soir, toutes les communications et internet ont été coupés. Ce que je pensais impossible a fini par se passer. Le facteur ne pourra pas venir au milieu de tous ces bombardements et destructions et ses journaux n’apporteront rien d’autre que les mêmes nouvelles chaque jour : que Gaza est en train d’être annihilée. Et peut-être la nouvelle de ma mort sera dans la prochaine édition. Les bombardements se font plus fort et nous nous accrochons à nos cœurs parce que ce que nous craignons se rapproche, nous allons mourir en silence et le monde ne saura rien de nous. Nous ne pourrons pas crier ni enregistrer nos derniers moments, nos dernières paroles.

Je vis dans un petit quartier, Shuja’iyya, dans la partie Est de la ville de Gaza. Les explosions ne cessent pas, une nuit après l’autre. Elles sont diverses et viennent de toutes les directions. À chaque bruit énorme qui fait trembler nos maisons et nos cœurs, nous nous prenons dans les bras. Nous savons qu’une explosion viendra que nous n’entendrons pas parce que nous aurons explosé avec elle.

Et donc je vous écris maintenant. Peut-être sera-ce mon dernier message qui parcourra le monde libre et volera avec les colombes de la paix et dira au monde que nous aimons la vie si nous pouvons la vivre, mais qu’à Gaza toutes les voies sont fermées et que nous sommes juste à un post ou un tweet de la mort.

OK : Je suis Nour ed-Din Adnan Hajjaj, un écrivain palestinien.

J’ai vingt-sept ans et plein de rêves.

Je ne suis pas un chiffre, et je refuse que la nouvelle de ma mort passe sans que vous disiez que j’aime la vie, le bonheur, la liberté, le rire des enfants, la mer, le café, écrire, Fairouz et tout ce qui apporte de la joie…avant que tout cela ne s’évanouisse en un bref instant.

Un de mes rêves est que mes livres voyagent dans le monde, que ma plume ait des ailes libres de tous passeports sans tampons et de visas refusés.

Un autre rêve : que je puisse avoir une petite famille, que je puisse serrer dans mes bras un fils – qui me ressemble - tandis que je lui raconte une histoire pour qu’il s’endorme.

Et mon plus grand rêve reste que la paix puisse emplir mon pays, que le rire des enfants s’élève avant le soleil, que nous plantions une rose à chaque trou de bombe et que nous peignions notre liberté sur chaque mur détruit, que la guerre nous laisse tranquilles ; que nous vivions notre vie, pour une fois.

Nour el-Din Hajjaj

Gaza, Palestine

28 novembre 2023 »

(Traduit de l’arabe vers l’anglais par Ahdaf Soueif et de l’anglais vers le français par SF pour l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine)

Enfin, évoquons le destin tragique de Hiba Kamal Abu Nada (هبة كمال أبو ندى). Née le 24 juin 1991, cette jeune femme a été tuée par l'ennemi lors d'un autre diabolique bombardement le vendredi 20 octobre 2023, frappant sa maison à Khan Younès, dans la bande de Gaza. À seulement 32 ans, cette poétesse et romancière, considérée comme une étoile montante dans le ciel culturel de notre Nation arabe, a été brutalement arrachée à la vie. En 2017, lors de la 20e session, Hiba Kamal Abu Nada avait remporté la deuxième place du « prix Sharjah pour la créativité arabe ». Ses études à l'Université islamique de Gaza lui ont valu une licence en biochimie, puis une maîtrise en nutrition clinique de l'Université Al-Azhar de Gaza.

En l'honneur du 35e anniversaire de la proclamation de la création de l'État de Palestine à Alger, le 14 novembre 2023, l'Union algérienne des arts et de la culture a annoncé la création d'un prix littéraire intitulé « L’écrivaine palestinienne, martyr Hiba Abou Nada », destiné aux auteurs algériens, dans les genres de la poésie et de la nouvelle. Tous les poètes et nouvellistes algériens sont invités à participer en soumettant des textes rendant hommage à la résistance du peuple palestinien.

Ces poètes martyrs s'inscrivent dans la grande famille des poètes et écrivains palestiniens et arabes, qui reposent dans une gloire impérissable sur le front de la conscience arabe, aux côtés de figures telles que Ghassan Kanafani, Mohammed Boudia, Kamel Nasser…

Que la miséricorde la plus élevée d'Allah accueille ces êtres dans son sein.