Eloge du travail civilisateur, par Malek Bennabi
"Lorsque les premiers musulmans édifièrent la première mosquée à Médine, c'était leur premier chantier de travail, le chantier, cependant, d'où devait surgir une civilisation.
Considérée à son époque et dans son état matériel, ce premier chantier nous eût fait sourire. Mais n'est-ce pas là qu'apprirent le travail les bâtisseurs de l'empire musulman?
N'est-ce pas là qu'ils mirent la main, pour la première fois, à la barre de l'histoire?
Dans une société qui commence, c'est le côté éducatif, et non le côté lucratif, qu'il importe de considérer dans le travail.
D'une manière générale, l'orientation du travail, c'est la marche de l'effort collectif dans un même sens.
C'est l'effort du mendiant, du berger, de l'artisan, du commerçant, de l'étudiant, du âlem, de la femme, de l'intellectuel et du laboureur, pour apporter effectivement, chaque jour, une nouvelle pierre à l'édifice.
On peut donner trois lettres de l'alphabet comme on peut les recevoir; on peut donner un conseil de propreté, d'esthétique sans se fâcher d'être incompris; on peut prêcher l'exemple en plantant ici un arbre quand on le peut; on peut aller aider quelqu'un, ou faire quelque chose quand on n'a ''rien à faire''.
On travaille chaque fois que l'on donne ou que l'on reçoit efficacement pour l'histoire."
Malek Bennabi, Les conditions de la renaissance. Problèmes d’une civilisation (1949), Alger, ANEP, 2005, p. 116.