Algérie : corruption et moralisation sociétale, par Kamel Nasser

Le Pôle pénal national économique et financier a ordonné, ces derniers jours, de juin 2022, le placement en détention provisoire du Directeur général de l’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV), du directeur marketing et fret et du directeur commercial, ainsi que le placement sous contrôle judiciaire d’autres responsables au sein de la même entreprise. L’ex-PDG de la compagnie maritime Algérie Ferries est aussi dans le collimateur des autorités, de même que l’ex-directeur de l’Aéroport international d’Alger qui devrait faire l’objet de poursuites.

Même si ces décisions peuvent être interprétées dans la dynamique de la guerre des clans, avec l’éternelle rivalité entre des fractions de la bourgeoisie compradore (pro-impérialiste) et de la bourgeoisie bureaucratique et technocratique, l’argument juridique est toujours le même : conclusion de marchés douteux, délit de gaspillage volontaire, usage illicite de biens et de fonds publics, abus d’influence, abus de fonction en violation des lois et réglementations à des fins d’octroi d’indus privilèges, non déclaration de biens et enrichissement illicite… La corruption dans toute sa noirceur. Ces décisions politico-judiciaires sont donc justifiées, clairement.

Mais ces faits de corruption échappent largement au vécu des citoyens qui sont les usagers des services publics, des administrations, des entreprises privées. Au niveau de ce vécu, ce qui domine et qui se manifeste, dans la douleur, la honte la rancœur, la souffrance pour les citoyens, c’est la logique de terreur, la domination des « petits chefs » et qui se croient au-dessus des lois, des « petits chefs » qui terrorisent les honnêtes gens, dans les aéroports, les douanes, les postes, les ports et les agences d’escale à l’étranger, aux guichets des administrations civiles.

Nous sommes le pays du million et demi de martyrs, nous sommes une patrie de l’arabité et de l’islamité… Et pourtant ces comportements indignes, à la base, témoignent d’une grave faillite morale de la conscience algérienne, une grave décadence de l’âme collective… car ces « petits chefs » ce sont nos cousins, nos frères, nos fils, nos pères… C’est la raison pour laquelle la moralisation de la vie sociale, économique et politique doit se faire à tous les niveaux, du haut de l’édifice aux bases de la société.