Tisser les liens, par Kamel Nasser
Ce qui manque à certains de nos compatriotes, c'est une authentique culture générale. Nous préférons en effet les savoirs spécialisés qui ne sont que des savoirs techniques. La culture générale, et elle seule, est capable de poser la question du sens, la question des valeurs qui nous habitent, du destin que nous voulons nous donner, de l'orientation dans laquelle nous nous inscrivons. La culture générale n'est pas l'accumulation d'informations sur le réel, et elle n'est pas non plus un quiz, un jeu de question-réponse. La culture générale est d'abord une capacité psychique. Et quelle est-elle cette capacité psychique ? Tout simplement la capacité que nous avons à relier les choses entre elles, à tisser entre les idées, les événements les liens qui leur donnent du sens. Sans culture générale, nous serions incapables de relier l'antique quête de Gilgamesh avec la quête de gloire des générations nationalistes arabes du 20e siècle ; sans culture générale, nous serions incapables de relier le soufisme médiéval (incarné par Abu Madyan Shuʿayb) allié de Salah ed-Dine el-Ayoubi à la geste héroïque de l'émir 'Abd el-Qader et de Houari Boumediene , sans culture générale, nous serions incapables de relier les rêves de grandeur de la poésie arabe préislamique à la poésie palestinienne de résistance. La bataille de la culture générale est la première des batailles à mener, car c'est elle qui nous donnera les victoires face aux forces de la dissolution de l'âme civilisationnelle.