Ma conception du nationalisme arabe et de l’Unité arabe, par Kamel Nasser

Comme vous le savez, mes convictions les plus fortes sont ancrées dans le nationalisme arabe. Mais celui-ci est traversé par de nombreux clivages. Je voudrais ici évoquer l’une de ces lignes de partage, et cela me permettra de mieux préciser ma pensée. Ce clivage au sein du nationalisme arabe se rapporte à la façon d'envisager l'unité et donc le processus révolutionnaire de l'unification. On peut dire qu'il existe deux paradigmes, c'est-à-dire deux manières de comprendre l'unité et l'unification. Où se situe la différence ? Elle se situe précisément dans la définition de ce qu'est l’UN. En effet, le nationalisme arabe est d’abord un élan social et historique qui entend unifier la Nation arabe. D’ailleurs, le thème de l’État arabe unifié est une constante qui traverse les âges. Unifier l’État, unifier le Peuple, unifier la Nation.

Mais lorsque l’on dit l’UN, que signifie au juste ce terme ?

Dans la première approche, l’UN, l’unité correspondent à des réalités homogènes, lisses, sans diversité, sans aspérités. Le courant nationaliste arabe qui s’appuie sur ce paradigme considère que la Nation arabe est une au sens où elle sans aucune différenciation interne : du Golfe à l’Atlantique, la réalité arabe est la même, l’histoire est la même, les mentalités sont une seule et même mentalité, de même que l’identité. On peut admettre, à la rigueur, qu’il y a, ici ou là, quelques caractères spécifiques, mais ils sont le plus souvent associés à des séquelles du colonialisme et la situation de division qui s’est installée. L’unité de ce nationalisme arabe est une « unité de quantité », car, dans la réalité, chaque partie est interchangeable, et identique à une autre.

La seconde approche repose sur une compréhension qualitative de l'UN. La Nation arabe est une, et cette unité est riche, forte d’une diversité, d’un pluralisme. L’arabité, ici, est une force d’inclusion et d’attraction. L’arabité est yéménite ou algérienne, irakienne ou jordanienne, égyptienne ou somalienne. Ainsi, chaque partie de la Nation arabe est un pôle spécifique, avec une vocation spécifique. Il devrait être évident pour tous que la vocation de l’Algérie, avec sa profondeur saharienne, est une direction arabe vers l’Afrique combattante. Il devrait être évident pour tous que la vocation du Yémen et de ‘Oman et de la Somalie, avec leur profondeur océano-indienne, est une direction arabe vers l’Asie, de l’Inde à l’Indonésie. Etc.

Ma conception du nationalisme arabe est tributaire de la seconde approche de l’UN. L’unité n’est pas uniformité, mais mobilisation de la pluralité des énergies sociales, culturelles et historiques contre l’impérialisme et le sionisme et le camp des « normalisateurs ».