La Gloire arabe des Banou Kinda, بنو كندة , par Kamel Nasser

Les Banou Kinda sont une tribu qui a connu ses heures de gloire aux 5^e et 6^e siècles, en se répandant dans toute l'Arabie, du Sud vers le Nord. La tradition a gardé le souvenir, dans les Ayyam el-’Arab (« Les Jours des Arabes »), d'une bataille entre les Kinda(avec, à leur tête, Hudjr, dit Akil el-Murar) et les Salihides, menés par le roi Zyad ben el-Habala : Youm el-Baradan (« Le Jour de Baradan »). Il faut souligner que les Salihides étaient des vassaux de Byzance. Byzance occupait la partie occidentale du Machreq arabe (la partie orientale, elle, était occupée par la Perse).

L'opposition des Kinda à Byzance

augmenta d'intensité lorsque, vers l'extrême fin du 5e siècle, ils décidèrent de traverser les frontières byzantines au Nord de l'Arabie. Les guerriers kindites étaient commandés par les petits-fils de ‘Akil al-Murar, HudjretMa’di Karib. En 502, l'empereur de Byzance, Anastase, conclut un accord avec les kindites. Par la suite, ils jouèrent sur la rivalité byzantino-perse. El-Harith, le chef kindite, se convertit au mazdakisme, sous le règne du roi perse Kawad pour, ensuite, accepter le phylarcat de Palestine de la part de Byzance. L’idée directrice de ces revirements était que les Banu Kinda entendaient défendre une sorte d’autonomie des Arabes. Il faut noter que la puissance de Kinda ne s'est pas seulement manifestée dans le Nord de l'Arabie, mais aussi dans le Sud, où ils eurent un rôle militaire très important dans les conflits yéménito-éthiopiens.

Le grand historien palestinien Irfan Shahid a bien montré le caractère civilisateur du rayonnement kindite et l'importance de cette tribu dans la sphère de l'arabité chrétienne : « Après un siècle de domination sur une étendue aussi vaste de la péninsule arabique, il est intéressant de procéder à une évaluation du rôle des Kinda dans l'histoire des Arabes : I. Cette domination, même réalisée par la force, représente la première tentative visant à réaliser l'unité des tribus du Nord et du Centre de l'Arabie; mais cette unité n'aurait pu être obtenue sans l'appui des Himyar. - 2. Les Kinda apportèrent du Sud himyarite des traditions de vie sédentaire; ils gouvernèrent les Arabes à partir de centres urbains tels que Ghamr dhî Kinda, Batn Akil et Hadjar. - 3. La famille d'Akil al-Murâr se convertit au Christianisme et elle a dû devenir un important facteur de prosélytisme dans le Centre et le Nord de l'Arabie; la plus importante inscription chrétienne, en arabe, de l'époque pré-islamique est celle de Hind, fille d'al-Hârith b. 'Amr qui commémore l'érection d'une église à al-Hîra; d'autre part, les Banû l-Djawn ont du avoir contribué à la propagation du Christianisme parmi les Arabes dans la Yamâma. - 4. Les Kinda ont aidé à propager la culture parmi les Arabes, et un certain Bishr b. 'Abd al-Malik, des Sakûn, aurait appris l'art de l'écriture arabe à al-Hîra et l'aurait enseigné à La Mekke où il s'installa et épousa une sœur d'Abû Sufyân. - 5. L'apport le plus important des Kinda à la vie culturelle des Arabes est d'avoir donné naissance à Imru' al-Kays, le plus grand poète de l'Arabie pré-islamique; grâce à celui-ci et à l'unification des tribus arabes pendant un siècle, les Kinda accélérèrent le développement d'une langue arabe commune et unifiée, au-dessus des différences dialectales, ce qui eut toute son importance lors de l'avènement de l'Islam. » ("Kinda", Encyclopédie Islamique, tome V, 1986, p. 121)

Les Banou Kinda se sont répandus du Yémen à l’Iraq, de la Palestine au Bahreïn, et jusqu'en Algérie. Avec d’autres tribus arabes, les Banou Kinda assumèrent leur rang et contribuèrent à la construction de l’Idée arabe, autour d’une langue et d’une culture. Ils annonçaient la venue de la révolution arabo-musulmane...